Le défi de la Fondation ValaisADN-WallisDNA est de s’imposer dans un angle mort des pratiques scientifiques institutionnelles. La généalogie génétique n’existe pas comme discipline constitutive de l’université et la cause en est simple : ce champ se déploie dans un point aveugle entre facultés. Les méthodes de la génétique sont celles des sciences de la vie alors que la généalogie classique relève du domaine des lettres et que l’anthropologie se cantonne plutôt dans les sciences sociales. Un important effort interdisciplinaire est donc requis pour jeter un pont entre facultés qui s’ignorent de facto. La pertinence savante de la généalogie génétique fait néanmoins consensus, comme en témoignent les cautions scientifiques recueillies. Un expert de chaque discipline impliquée atteste l’importance de ce projet pour la connaissance, non seulement pour compenser les lacunes institutionnelles, mais pour souligner de l’importance de la science participative dans la recherche de pointe en histoire des populations.
« Depuis le premier décryptage du génome humain, réalisé à grands frais durant la dernière décennie du XXe siècle et annoncé en 2001, les technologies d’analyse de l’ADN ont progressé de manière remarquable : il est désormais possible de séquencer un génome complet en 24 heures et pour moins de 1000 francs, ce qui étend le champ des possibles pour la recherche en sciences de la vie et pour la médecine. La connaissance du patrimoine génétique permettra de mieux cibler les programmes de prévention, d’affiner les diagnostics et de proposer des traitements adaptés à chaque personne. C’est déjà le cas aujourd’hui en oncologie et pour les maladies rares ; ce le sera demain pour la plupart des disciplines médicales.
En parallèle à ces avancées prometteuses dans le domaine de la santé, la démocratisation de l’accès aux données génétiques ouvre de nouvelles perspectives aux passionnés de généalogie, ainsi qu’en témoigne le projet de Fondation ValaisADN-WallisDNA. Il s’agit ici d’utiliser les traces laissées dans l’ADN au fil des générations pour reconstruire les histoires des familles et des peuples. Les lois de l’hérédité permettent en effet de comparer les variations génétiques et d’en déduire les liens de parenté entre individus.
L’analyse du chromosome Y s’est imposée au cours des dernières années comme la méthode de choix pour la généalogie génétique ; une stratégie que la Fondation ValaisADN-WallisDNA prévoit elle aussi d’utiliser. Le chromosome Y, porté par tous les individus de sexe masculin, a le double avantage de permettre une description fiable des lignées paternelles et de ne rien dévoiler des risques médicaux inscrits dans le génome, puisqu’il ne contient aucun gène responsable de maladie. Ceci réduit considérablement les enjeux éthiques liés au séquençage, même si des précautions sont évidemment nécessaires pour garantir la protection des données et le respect de la sphère privée. »
« La généalogie constitue la principale locomotive de la révolution génétique centrée sur le chromosome Y. Il s’impose alors de faire la part des choses entre « ADN des cousins » et « ADN des anciens ». Autant le premier peut intéresser la santé et représente par conséquent un défi éthique majeur, autant le second se démarque par son absence d’intérêt autre qu’historique. Mais quel intérêt justement, puisque cette généalogie portée par les tests ADN-Y en libre accès depuis l’an 2000 est en voie de reconstituer l’arbre généalogique de l’humanité ! Ce n’est pas une métaphore : chaque homme (littéralement, car le chromosome Y est le propre du mâle) peut trouver son emplacement exact dans cette arborescence universelle où s’inscrivent autant les familles suisses et valaisannes, dotées de noms de famille documentées dès le Moyen Âge, que toute population jusqu’à récemment dépourvue de patronymes. La Suisse et le Valais y trouvent néanmoins une importante plus-value avec huit siècles d’archives qui se superposent de façon exceptionnelle à la généalogie par le chromosome Y (ADN-Y).
La phylogénie complète de l’ADN-Y s’avère hors de portée des universités depuis 2010 environ, alors que les moyens académiques n’ont plus suffi à relever le défi logistique de la découverte. Ce mandat scientifique unique en son genre devait sans grande surprise revenir à l’industrie et à la force du nombre de la généalogie. Cette mission de la généalogie a trop souvent été perdue de vue en raison de la popularité et de la médiatisation confuse des tests ADN souvent qualifiés de «récréatifs». Le terme «participatif» est sans aucun doute préférable, à plus forte raison si un test ADN ne cible que le chromosome Y. Ce serait faire injure à ce type de test de grande valeur scientifique que de le réduire à une affaire de divertissement, puisque l’histoire massive des populations s’écrit grâce aux données généalogiques contemporaines recueillies par le biais de l’industrie.
Les tests ADN se divisent en somme en deux catégories, « ADN des cousins » et « ADN des anciens ». Cette distinction est fondamentale et il faut se réjouir de l'essor spectaculaire de « l’ADN des anciens » en science citoyenne. Il appartient dès lors à chaque famille suisse et valaisanne documentée de longue date de découvrir son ADN ancestral et d’identifier les lointaines origines de sa signature génétique. »
« Modern Swiss people are not overly bothered by the fact that the earlier inhabitants of their country and of the surrounding regions of the western European heartland before the battle at Bibracte (gerebatur 58 BC), and even long afterwards, were Celts, speaking languages that were neither ancestral nor very much like the languages spoken in the country today.
At a greater time depth, new research on ancient DNA tells of even greater discontinuities in the population history of Switzerland. Furtwängler reported that Y-chromosomal haplogroup G2a (P15) was found at Oberbipp, dating from ca. 3300 BC, whereas Y-chromosomal haplogroup I predominated at the collective grave at Spreitenbach, dating from the 25th century BC, and Ychromosomal haplogroup R made its début at later sites such as the Singen D cemetery site, dating from the 21st century BC (Steuri et al. 2018, Furtwängler et al. 2020).
The ramifications of ancient DNA findings apply not just to Switzerland but to the entire European continent. Depending on fortuitous finds and the serendipity of regional preservation bias, ancient DNA findings randomly supply ever more pieces of a grand puzzle. The resolution of the Y-chromosomal tree is constantly being enhanced. Haplogroup labels are updated to reflect our improved understanding of phylogeny. Mutations numbers tend usually to remain unchanged, provided that the markers in question prove to be reliable in defining haplogroups. Conventional haplogroup labels of the Y Chromosome Consortium are still widely in use, but have been replaced with the newer labels of the International Society of Genetic Genealogy. »
« Die allemannische Einwanderung im Gefolge der Auflösung des weströmischen Reiches hat zweifellos auch in Sachen DNA ein ganz neues Element in die keltisch-römische Bevölkerung des Wallis gebracht. Die germanischsprachigen Siedler liessen sich vor allem im Oberwallis nieder, wobei die Sprachgrenze aber nachweislich sehr durchlässig und sogar mobil war. Einige Jahrhunderte später verbreiteten sie sich einerseits zurück ins Berner Oberland, andererseits in die Hochtäler des Piemont und des Tessins sowie (im XII/XIII Jh.) nach Graubünden und ins Vorarlberg, ja gruppenweise sogar bis nach Tirol. Diese «Weiterwanderer» sind bekannt unter dem Namen ‹ Walser ›, und ihre Erforschung – speziell nach modernsten historischsprachwissenschaftlichen und dialektologischen Methoden – ist heute sehr weit fortgeschritten. Die Rekonstruktion der Genealogie der Walserfamilien in der Landschaft Davos ist zurzeit eines der Hauptforschungsprojekte des Unterzeichneten, wobei sich soeben ein bisher weitgehend unbekanntes Namengebungsprinzip herauskristallisiert hat, das für das Mittelalter von gesamteuropäischer Bedeutung sein wird. Bei diesen meinen Forschungen stehen zudem patronymische und toponymische Fragen ebenfalls permanent im Vordergrund. Welche Familiennamen sind tatsächlich schon aus dem Wallis mitgebracht worden? Welche Toponyme könnten Hinweise auf die konkrete Herkunft der einzelnen Walsergruppen geben? Es ist selbstverständlich, dass das ValaisADN-WallisDNA-Projekt mich brennend interessiert, da es den historisch-sprachwissenschaftlichen Argumenten eine völlig unabhängige naturwissenschaftliche Argumentkategorie als Prüfstein zur Seite stellen wird. Dem hier aufgegleisten Projekt kommt die Bedeutung einer eigentlichen Pionier-Grundlagenforschung zu, die in Zukunft noch viel weitere Anwendung zu finden verspricht überall dort, wo Menschen migrieren und migrierten – und das tun und taten diese überall und zu allen Zeiten. »
« L’anthroponymie, science des noms de personnes, a pour but de retrouver l’origine et le sens des noms portés par les individus. Elle repose sur le principe que tous les noms de personnes avaient à l’origine un sens précis, connu de ceux qui les portaient. Les noms de famille tels que nous les connaissons aujourd’hui sont des objets lexicaux dont la création remonte au Moyen Âge ; l’anthroponymiste doit donc être à même de les analyser dans le contexte historique, culturel et linguistique dans lequel ils s’inscrivent. Pour le Valais, territoire appartenant au domaine franco-provençal, l’apprivoisement des noms de famille exige une connaissance scientifique rigoureuse des spécificités de cet espace linguistique souvent méconnu.
Éléments d’identification par excellence, les anthroponymes constituent une mine de renseignements sur l’histoire et la culture d’une population donnée. En effet, la plupart des noms de famille étant à l’origine des sobriquets, ils sont susceptibles de nous fournir de précieuses indications sur les particularités physiques des personnes qui les portaient, sur certains traits de leur caractère, sur leur origine sociale ou géographique, ou encore sur les professions qu’elles exerçaient. L’étude des noms de famille du Valais constitue un aspect fondamental du projet de généalogie génétique envisagé, en ceci qu’elle permet de préciser et de compléter les éléments fournis par les données ADN, et notamment de mettre en lumière certains rapports de filiation entre les membres de la population concernée. »
« Les données archéologiques du Valais permettent d’appréhender l’évolution de l’occupation du territoire. D’abord limitée à la plaine et à l’étage collinéen au Néolithique, avec des traces de passage sur les chemins des cols alpins, la population occupe, du moins temporairement, les vallées latérales et l’étage montagnard dès l’âge du bronze, puis s’y installe dès l’âge du fer et s’intensifie durant les périodes suivantes. Les travaux en cours du présent projet montrent une persistance des familles dès le XIIIe siècle. Peut-on l’étendre à des temps plus anciens et depuis quand ? Les collections anthropologiques valaisannes, localisées et datées, offrent un champ d’investigation encore inexploité. Les recherches sur l’ADN ancien de ces témoins de notre passé permettront d’évaluer la chronologie de la stabilisation ainsi que l’origine de la population dans les vallées latérales et dans les grands sites valaisans et d’offrir aux futures études de généalogie génétique régionales une base de comparaison primordiale pour trouver leurs racines. »